Syndicat du Livre de St Etienne

Loire Offset Titoulet
“chronique d’une mort annoncée”

14 mars 2019

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Vendredi 8 Mars 2019 – 17 heures. La réunion du comité social et économique de la société Loire Offset Titoulet aurait pu s’intituler “chronique d’une mort annoncée”. Elle met un terme à une histoire commencée bien des années plus tôt en terre stéphanoise, qui crut connaître son apogée sous forme de fusion, mais en accéléra le déclin dans la plus grande confusion.

Sur cette dernière intérieure, cette grande blanche ou ne viennent s’imprimer, bien calibrées, que les trois lettres du mot “FIN”, on voudrait réécrire l’histoire, donner l’illusion d’un possible, d’un tome 2 dont on sait pourtant qu’il n’aura pas lieu. Ne resteront de l’ouvrage qu’une quatrième de couverture portant le résumé laconique d’une aventure chaotique et la photo en noir et blanc d’un spadassin narcissique coupable multi récidiviste de cent trente-trois meurtres.

Ce même jour à 16 heures s’envolait l’ultime espoir de reprise de l’entreprise placée en liquidation judiciaire le 9 janvier, parce qu’au-delà de cette limite, le dépôt d’offre de reprise était impossible. Terminé l’espoir, réduisant à néant pour certains une vie entière de travail et pour tous renvoyant les sombres images d’un passé récent, d’un plan de redressement qui ne tenait droit que parce qu’on avait empilé des livres sous un pied cassé. Le bon sens parle de folie des grandeurs et d’investissements démesurés. Le sens critique s’emploie à démontrer la gestion calamiteuse et l’incompétence managériale d’une direction en proie aux affres d’un marché vorace mangeur de prix. Le sens de l’histoire ne s’arrête pas en chemin, la cause était entendue.

A 18 heures, les salariés réunis en assemblée générale et conduits par l’intersyndicale constituée par la FILPAC CGT et la CFDT, votaient la grève illimitée. Les 133 salariés décidaient de stopper le travail et d’occuper l’usine.

Si l’issue finale et fatale de ce qui régionalement s’apparente à un accident industriel ne fait plus aucun doute, les salariés soutenus par le syndicat du livre et l’union locale CGT de Saint Etienne entendent sortir la tête haute du conflit et du bras de fer engagé avec la direction.

En jeu la négociation du plan de sauvegarde de l’emploi qui se profile et l’obtention d’une juste compensation de leurs licenciements, au-delà de ce que prévoit simplement la convention collective. En effet, les 133 rescapés d’un naufrage commencé en 2016 auront lutté jusqu’au bout pour maintenir l’activité, malgré les retards dans le paiement des salaires, les réductions d’effectifs et la dégradation des conditions de travail, face à une direction sourde aux inquiétudes et “autiste” aux alertes des représentants du personnel.

Rappelons qu’à la veille des élections du CSE, des documents diffamatoires avaient été glissés dans les bulletins de paie, documents signés par le “conseil de surveillance” et mettant en doute la probité des élus du comité. Ce conseil n’aurait-il pas mieux fait de veiller à la bonne marche de l’entreprise s’il en avait été capable ? Mais il était sans doute plus utile de gouverner sous la menace, d’user en toute occasion de la brimade et de l’invective. Pire encore, aux heures les plus sombres de l’histoire, alors que le couperet s’apprêtait à tomber sur 133 cous, ces messieurs poussaient l’audace à inventer des repreneurs.

Menteurs invétérés, malversateurs éhontés de la pensée bourgeoise, possesseurs patentés de biens plus ou moins mal acquis, ils cassent l’outil, le travail et les vies comme un enfant capricieux se défait d’une poupée en lui arrachant les yeux.
Les camarades n’ont plus que les leurs pour pleurer, sous la fumée des palettes qui brûlent devant la porte comme partent en fumée les rêves, les projets…

Mais ils sont beaux, les camarades. Ils sont dignes. Ils brillent de la force des justes. Et cette justice qui leur est due, ils sont bien décidés à aller la chercher à la force du poignet, coûte que coûte, perdu pour perdu, abandonnés pour abandonnés.

Seule la lutte est belle qui nous pousse à vaincre l’usurpateur.

Saint-Etienne, le 14 mars 2019