Coordination des syndicats FILPAC-CGT

Lettre Ouverte à Miles Roberts
Président Directeur Général du groupe DS Smith

29 novembre 2018

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A Montreuil, le 28 novembre 2018

Lettre Ouverte

 

Monsieur Miles Roberts,

Vous avez décidé de vous débarrasser de nous comme d’un fardeau qui encombrait votre route vers la place de numéro 1 en Europe. L’heure du bilan approche après 7 années passées dans votre groupe depuis le rachat d’Otor.

Les évènements des dernières semaines ne font que confirmer le mépris et l’arrogance que vous portez aux salariés que j’ai l’honneur de représenter.

Vous n’avez même pas la décence de nous expliquer les raisons de cette décision. La concurrence a bon dos. Il vous suffisait de ne pas acheter Gasny et Durtal et la situation concurrentielle actuelle (qui ne posait pas de problème à la commission européenne)  était inchangée. Sur quelles bases avez-vous décidé de nous vendre ? L’appât du gain ?

Vous invoquez la « confidentialité » et la « concurrence » pour ne pas nous donner d’informations qui nous concernent au premier chef. Cette infantilisation des travailleurs est insupportable car « en même temps » selon l’expression à la mode, vous visitez les sites d’Europac qui est pourtant un concurrent. Avec la bénédiction des technocrates européens qui autorisent ces rencontres baptisées de « clean team », ça ne s’invente pas !! Y en aurait il des sales ? Sommes-nous sales au point que vous ne puissiez communiquer les informations nécessaires à l’expert que nous avons nommé pour nous assister dans cette période comme la loi (française) nous y autorise?

Vous avez pris une lourde décision en proposant la vente du site de NORMANDIE ONDULE, en effet cette usine filiale de DS Smith NORMANDIE est portée financièrement par sa maison mère depuis des années, elle emploie 34 salariés et si des conséquences sociales venaient à naître du fait de vos choix hasardeux, vous seriez responsable d’un drame social pour de nombreuses familles.

Vous prétendez devoir vous soumettre aux décisions des autorités européennes mais je constate que c’est seulement pour celles qui vous arrangent. En effet, pourquoi le groupe DS Smith PLC n’applique pas la directive européenne (93/104/CE, article 7 du 23 novembre 1993) sur le droit aux congés en cas de maladie. L’application de cette directive a été demandée par le Comité d’Entreprise Européen mais aussi par les instances représentatives des salariés en Frances. Celle-ci est-elle appliquée aujourd’hui ? Deux poids deux mesures !!

Vous ne respectez pas non plus les règles du Comité d’Entreprise Européen de notre groupe puisqu’il précise qu’il y a une obligation d’information et de consultation des Présidents dans le cadre de dispositions transnationales de notre accord CEE. J’ai eu confirmation qu’il y a bien eu information mais pas de consultation ainsi que l’absence de remise de documents concernant la vente de notre société.

Pensez bien que s’il y avait eu consultation le Président m’aurait contacté en tant que secrétaire sachant qu’il s‘agissait de l’entreprise où je travaille.

Vous ne respectez pas non plus les droits des représentants du personnel. Je suis représentant français au EWC et l’accès à la réunion du mardi 20 novembre 2018 à Milton Keynes au Royaume-Uni m’a été interdit sous prétexte que je ne faisais plus partie du groupe ! Vous oubliez simplement que la société à laquelle j’appartiens est toujours une filiale de DS Smith. J’ai juste eu le temps d’expliquer aux membres de cette instance les conditions du rachat d’Europac et de la décision de vente de deux sites français.

Votre ambition de faire de DS Smith un leader européen a été partagée dans un premier temps par beaucoup mais le prix à payer apparait aujourd’hui insupportable. Les sociétés françaises sont aujourd’hui vidées de leurs résultats par l’optimisation fiscale outrancière sur nos achats de papier et des frais de groupe qui nourrissent une bureaucratie galopante.

L’optimisation fiscale à outrance sur l’achat du papier (matière indispensable à notre activité) s’effectue via une plate-forme située aux Pays-Bas qui prend une marge dont les modalités de calcul restent obscures à nos yeux tout comme la fixation des prix de transfert avec des profits qui échappent totalement au fisc français. Je vais alerter les autorités françaises car « en même temps » ces pratiques mettent à mal nos finances publiques dans une période de tension budgétaire extrême et de sacrifices demandés aux plus modestes.

Je m’étonne que la commission européenne ou que le gouvernement français ne s’inquiètent pas de la mise en concurrence déloyale d’acteurs en France qui n’ont pas la même fiscalité sur l’achat des volumes importants sur le papier.

Vous n’avez pas respecté non plus la culture de nos entreprises françaises.

Nos sociétés sont devenues de simples unités de production et les décisions sont prises ailleurs par un management déconnecté des réalités du terrain. Seul compte le profit à court terme.

Le rachat d’Europac est pour nous l’opération de trop dans cette course en avant et la chute du cours de bourse depuis l’annonce du rachat en est le signe.

Ce courrier, vous l’avez compris, est aussi à charge contre la commission européenne et ses décisions, qui ne prend en compte que la protection des groupes internationaux mais ne protège en rien les salariés de la mise en concurrence. Ceci n’est plus audible aujourd’hui et je comprends, même si je suis profondément européen, la montée des populismes et de l’extrême droite en Europe.

Je le regrette car le choix de nombreux travailleurs que vous avez exaspérés ira sans doute vers des partis que je combats au quotidien, ceux de la xénophobie et du repli sur soi.

Votre arrogance et la désinvolture de la commission européenne font que la coupe est pleine.

Recevez, Monsieur, mes salutations distinguées.

TARDIVEAU Denis
Membre du Comité d’Entreprise Européen
Membre du Comité de Groupe FRANCE
Coordinateur des syndicats FILPAC-CGT

Copies : HERAN European Commission /Ministère du travail / Médias /Politiques