Filpac CGT

États généraux de l’information, les propositions de la Filpac

27 mars 2024

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• Montreuil, le 27 mars 2024


L’Élysée a lancé début octobre les États généraux de l’information. Objectif : repenser les médias pour renouer le dialogue avec les citoyens. Face aux défis représentés par la concentration des médias, la paupérisation des métiers de l’information, la concurrence des Gafam, l’arrivée de l’intelligence artificielle, l’accumulation de lois liberticides, etc., le chantier est de taille.

Emmanuel Macron souhaite une large consultation? La Filpac CGT le prend au mot avec cette série de propositions. De l’impression à la distribution, en passant par les conditions de travail, la rémunération, sans oublier les réformes législatives obligatoires pour reprendre l’information aux milliardaires et en la rendant aux citoyens, la chaîne de production de l’information doit être sanctuarisée pour garantir une démocratie vivace et réelle.


A / Renouer le lien entre les citoyens et les médias
L’information est un pilier fondamental de la démocratie et tous les citoyens doivent avoir accès au titre de presse de leur choix et au même tarif sur tout le territoire (principe d’égalité).
En matière de presse écrite, si sa diffusion numérique reste faible et compense difficilement la perte de lectorat, la version papier historique est en déclin constant depuis bien des années. Le « tout numérique » vanté et mis en place par les éditeurs a montré ses limites et les investissements importants qui y ont été consacrés ont dramatiquement manqué au développement des outils d’impression et à la distribution. Les investissements dans le numérique sont sous-évalués dans la chaîne de valeur de la création de l’information et pèsent lourdement dans les comptes d’exploitation des éditeurs de presse.
Les concentrations des centres d’impression éloignent les imprimés des lieux de diffusion et augmentent les distances et temps de transport. Les « clôtures des rédactions » interviennent de fait de plus en plus tôt et nuisent à la fraîcheur de l’information. Il est temps de revoir le modèle actuel de l’impression des titres de presse. Un maillage plus fin du territoire avec des outils d’impression numérique plus agiles et au plus près des centres de distribution permettrait de coller à l’actualité, de garantir la pluralité des titres et l’accès à l’information pour tous.
On ne compte plus les lieux de vente qui disparaissent et les abonnés au fin fond des territoires qui ne sont pas livrés. Trop loin, trop cher… Les porteurs de presse salariés ou indépendants ne s’y retrouvent plus financièrement et le secteur a beaucoup de mal à recruter. Leurs statuts, rémunération et conditions de travail doivent être réévalués dans l’intérêt même de l’information.
Les aides à la presse doivent être conditionnées au contenu réel des journaux, mais aussi au respect de la loi. Poursuivre la réforme des aides à la presse en fonction de différents indicateurs sur la transparence, l’indépendance éditoriale, l’exigence journalistique et la qualité IPG du contenu, le respect des règles éthiques. Cette réforme versera désormais de manière proportionnelle les aides à la presse d’un groupe à la production de contenu IPG de l’année, en indiquant une séparation stricte entre contenus rédactionnels et publicitaires. Pour statuer sur les contenus, un organisme devra être créé avec des journalistes, des chercheurs, des citoyens, et l’État. Tout média condamné pour racisme, xénophobie, incitation à la haine, ou toute autre discrimination n’aura plus accès à ces aides.
La confiance accordée aux journalistes est en chute libre. Il ne suffit pas d’accuser la concurrence des réseaux sociaux et de la désinformation, mais bien de se donner les moyens d’apporter de façon évidente la preuve de notre plus-value professionnelle.
Encore faut-il que les nouvelles générations soient formées aux exigences croissantes du métier – culture générale, rigueur, éthique, esprit d’analyse, qualités rédactionnelles – et à ses techniques de base, hiérarchisation de l’information, diversification et vérification des sources, détermination d’un message essentiel, maîtrise des différents genres journalistiques, de la conduite d’entretiens etc. La lecture d’articles mal structurés, sur des sujets mal compris et mal rédigés, ainsi que le spectacle de journalistes se confondant avec des animateurs montrent quotidiennement le travail qu’il faut conduire en matière de formation. Il reste à mener de toute urgence, une réflexion globale sur les critères d’admission et d’obtention d’un diplôme par les écoles de journalisme, ainsi que sur le programme et la pédagogie qu’elles mettent en œuvre.


1 • Orienter les aides à la presse dédiées à la modernisation des outils industriels (imprimeries et chaîne d’expédition et de distribution) vers la création de centres d’impression détenus par les éditeurs au plus près des lieux de diffusion. Ces nouvelles rotatives doivent être en capacité de répondre à de nouveaux formats et de nouveaux produits éditoriaux. Ainsi, la distance, le coût et le temps de transport sont plus limités. La date de bouclage est reculée, rendant plus attractive les éditions papier.

2 • Le contournement du statut de VCP par les éditeurs a amené une grande précarité des travailleurs du portage de presse, avec des conséquences catastrophiques sur la diffusion portée accélérant la baisse de la diffusion. La Filpac exige de changer le statut des porteurs de presse, d’augmenter les salaires en diversifiant les titres portés, y compris les produits culturels tels que le livre.

3 • Garantir le même accès au titre de presse de leur choix pour tous les citoyens, au même tarif sur l’ensemble du territoire (quelle que soit la nature du titre de presse, presse d’information, presse magazine, presse spécialisée). Cela implique de reprendre les attendus initiaux de la loi Bichet, de mettre fin à la concurrence historique de deux grandes sociétés de distribution  par l’instauration d’une seule et même structure assurant la distribution de l’ensemble de l’information imprimée, en lien avec le réseau de diffusion de la presse régionale. La régulation de la distribution au tarif péréqué doit s’appliquer aussi à la diffusion de l’information par les acteurs du numérique et leur système de kiosque numérique (Cafeyn et Cie). Ces kiosques numériques doivent avoir comme obligation de diffuser l’ensemble des titres de presse disponibles.

4 • Assurer un réel pluralisme en redéfinissant la loi de 1986 et les critères de concentration des médias, au niveau local comme national.

5 • Publier les noms des actionnaires directs et indirects d’un groupe de presse.

6 • La rédaction doit jouir d’un droit d’agrément pour valider ou non la venue d’un nouveau rédacteur en chef et directeur de la publication.

7 • Pour prétendre aux aides à la presse, directes et indirectes, le média devra respecter la loi et l’éthique. Seule l’information politique et générale sera éligible à certaines aides à la presse dont ne pourront bénéficier des titres d’autres natures éditoriales (jeux par exemple). Les aides seront modulées en fonction de l’importance du chiffre d’affaires publicitaire sur les différents supports des éditeurs. Tout publireportage (déguisé ou non) ne sera pas comptabilisé. Ces aides seront étudiées, titre par titre, par un organisme indépendant composé de journalistes, citoyens, chercheurs, et de représentants de l’État.

8 • Ouvrir plus largement les écoles de journalistes aux minorités et aux classes populaires.

9 • Redéfinir les contenus pédagogiques des écoles pour répondre aux nouveaux défis sociaux et environnementaux.

10 • La presse sociale, parent pauvre des titres d’information, devra bénéficier d’aides à la presse supplémentaires et dédiées permettant d’assurer son existence, son développement et sa diffusion. La démocratie sociale et son expression large sont une garantie de notre démocratie.


B / Renforcer les droits des salariés, des médias

La paupérisation, le désenchantement salarial, la perte de sens dans le travail doivent appartenir au passé. Avec un programme ambitieux, il est temps de redonner une vraie valeur au travail. Tous les journalistes doivent être rémunérés en salaires. Le recours à l’autoentreprise doit être banni et sévèrement sanctionné, y compris pour les correspondants de presse. Les salaires des pigistes doivent être augmentés. D’après les derniers chiffres de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), le salaire médian des pigistes était de 1 954 € brut mensuel. Quand celui des journalistes permanents avoisinait 3 580 €. Cette précarisation des pigistes entraîne de nombreux risques psychosociaux graves. L’insécurité sociale touche également les imprimeurs. La concentration des centres d’impression pèse sur les emplois. Chaque titre de presse quotidien doit avoir son imprimerie.


11 • Pas d’information de qualité sans statut fort et protecteur des travailleurs. Diminuer les aides à la presse aux éditeurs des formes de presse dont les conventions collectives ne prennent pas en compte les nouveaux métiers, les nouvelles qualifications et les grilles de salaires correspondantes. Les métiers de la publicité, des systèmes d’informations, du marketing, de la diffusion numérique et papier sont en pleine évolution à l’instar de ceux des rédactions, mais ils sont souvent les oubliés des négociations collectives du côté patronal.

12 • Mettre un terme à la gestion en silo de la formation professionnelle des différentes formes de presse, qui empêche toute action et réflexion sur les évolutions professionnelles et le maintien dans l’emploi des travailleurs de l’information.

13 • Augmenter les moyens dédiés à l’OPCO AFDAS par un abondement important de l’État pour aider à la construction de passerelles métiers et d’emplois entre les différents médias et secteurs culturels.

14 • Augmenter les tarifs minimums des piges.

15 • Annuler toutes les aides à la presse aux entreprises ne respectant ni le droit, ni le droit du travail, notamment en ayant recours à l’auto entreprenariat.

16 • Reconnaître la pénibilité pour les ouvriers et cadres du livre des centres d’impression, par la mise en place de départs anticipés à la retraite financés par une cotisation sociale supplémentaire dédiée.

17 • Imposer un moratoire sur les fermetures et concentration des imprimeries de presse sans avoir au préalable mesuré l’impact écologique et la conséquence d’une contrepartie financière pérenne à la charge de l’éditeur au principe de pollueur-payeur, sans avoir étudié avec les organisations syndicales concernées toutes les mesures permettant de maintenir l’imprimerie par le développement de nouveaux outils d’impression de type numérique.

18 • Assurer une égalité salariale entre les femmes et les hommes. Mais aussi entre les pigistes et les titulaires.

19 • Définir un réel statut et une juste rémunération pour les correspondants de presse.


C / Redonner des droits à la presse

La liberté de la presse est un indicateur de la vitalité d’une démocratie. Quand les citoyens n’ont plus accès à l’information, les fondements de notre société vacillent. Or, les lois liberticides s’accumulent et empêchent les journalistes de réaliser pleinement leur mission d’information. Secret des sources mis à mal, secret des affaires, secret défense, procédures baillon, concentration des médias qui limite les supports et le pluralisme… Informer les citoyens ne doit plus effrayer.

20 • Le secret des sources ne doit subir aucun compromis ni exception.

21 • Exempter les journalistes du secret des affaires.

21 • Les perquisitions et les saisies dans les rédactions et les domiciles doivent être, par principe, proscrites quand elles font suite à un travail de manifestation de la vérité.

21 • Le secret défense doit être contrôlé par une administration indépendante. Son cadre nécessite une meilleure définition sur le fond comme sur la forme. Les journalistes ne sont pas soumis au secret défense, sauf en cas de révélation d’identité d’agents français à l’étranger.

21 • L’activité des journalistes ne peut être jugée que sur la loi de 1881. Les tribunaux de commerce sont incompétents pour statuer sur un délit de presse.

25 • Les procédures bâillon entraînent de fait, la nullité de toute procédure judiciaire.