UGICT-CGT

Du nouveau dans l’affaire WKF : le conflit d’intérêt à la loupe

8 février 2019

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Rappelons que la procédure engagée contre WKF visait à récupérer la participation dont les salariés avaient été privés, en conséquence d’un montage financier complexe du groupe néerlandais Wolters Kluwer qui avait artificiellement privé la filiale française de tout bénéfice et donc les salariés de toute participation.

Par arrêt du 2 février 2016, la cour d’appel de Versailles avait fait droit à cette demande en constatant « que la restructuration [était] constitutive d’une manœuvre frauduleuse (…) inopposable dans ses effets sur la réserve spéciale de participation ».

Cet arrêt a été cassé sans renvoi par la Chambre sociale le 28 février 2018, avec une motivation critiquée par la grande majorité de la doctrine et qui fait l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Il est apparu que trois magistrats ayant participé au délibéré avaient, à de multiples reprises, animé des sessions de formation organisées par la société Lamy ou le Groupe Liaisons, marques de WKF, moyennant des salaires de l’ordre de 500 à 1000 € par demi-journée.

Une situation qui aurait dû conduire ces magistrats à se déporter, à ne pas participer au traitement de cette affaire.

En effet la jurisprudence, tant française qu’européenne, exige des magistrats une impartialité objective, ainsi décrite par le recueil des obligations déontologiques des magistrats édité par le CSM : « il se déporte, sans attendre une éventuelle récusation, chaque fois qu’une situation peut faire naître dans l’esprit des parties ou du public un doute légitime sur son impartialité tenant à l’existence d’un conflit d’intérêts ».

Un examen approfondi de la situation a également révélé que ces trois magistrats ont omis de déclarer, conformément au statut de la magistrature, leur activité salariée extérieure.

L’Ugict, comme toute la CGT, défend vigoureusement la place du juge en matière de relations sociales, à l’opposé des diatribes du MEDEF ou d’instituts patronaux contre « ces juges qui ne connaissent rien à la vie des entreprises et s’immiscent dans le dialogue des partenaires sociaux » (sic).

Elle combat les nombreuses mesures législatives prises ces dernières années pour réduire leurs prérogatives et rendre plus difficile leur saisine par les salariés ou leurs organisations représentatives.

Elle considère que l’existence et l’accessibilité effective à un juge doté de larges compétences, de moyens et d’indépendance, loin d’encourager la judiciarisation des rapports sociaux, est la condition indispensable au respect des droits individuels et à la qualité de la négociation collective.

C’est pourquoi la CGT est partie prenante des actions contre la réforme de la justice actuellement en débat.

Mais à l’heure où la confiance dans les institutions de tous ordres est malmenée, les magistrats ont aussi un devoir particulier de rigueur et d’exemplarité.

La quasi-totalité d’entre eux en sont conscients. Qui pourrait accepter que la plus haute instance de l’ordre judiciaire français en soit exemptée ?

Cette affaire déplorable doit d’abord servir à la réflexion de tous.

Au-delà d’un cas d’espèce heureusement très rare, l’Ugict-CGT attire l’attention sur la participation de magistrats à certaines activités extérieures à leur fonction judiciaire.

L’Ugict approuve sans réserve la rédaction d’articles de doctrine qui contribuent à mieux faire connaître la jurisprudence ou la participation à des colloques ou rencontres permettant un débat pluraliste et un croisement entre les attentes de la société et les réponses juridiques qui peuvent leur être apportées.

En revanche, l’animation rémunérée de formations coûteuses, où se retrouvent « entre soi » avocats patronaux, DRH et chantres de la subordination du droit du travail aux impératifs de rentabilité, crée de fait une connivence, consciente ou non, qui n’est pas sans effet sur le traitement de certaines affaires sensibles.

Là encore, il y va de l’autorité d’une justice indépendante et de l’indispensable confiance des citoyens.

 

Article diffusé sur le site de l’Ugict-Cgt le 4 février 2019