Filpac CGT / Syndicat CGT Papeteries de Condat

L’avenir de Condat menacé

1 septembre 2025

Partagez :
Partager sur Facebook
Partager sur Twitter

• Montreuil, le 1er septembre 2025


Rien ne va plus à Condat. À Sarlat, le carnet de commandes tiendra jusqu’au 10 septembre. Et après ? Le grand saut dans le vide. La dernière machine ne tournait déjà plus que vingt jours par mois. Mais derrière ces cadences brisées, ce ne sont pas seulement des bobines de papier qui s’arrêtent : ce sont 198 vies qui vacillent.

Depuis que les Espagnols de Lecta ont mis la main sur l’usine au début des années 2000, le scénario se répète à l’infini : démantèlement méthodique, suppressions en cascade, économies de bouts de chandelle plus destructrices que rentables. À croire que leur véritable métier n’est pas de produire du papier, mais de saborder des outils industriels.

La recherche et développement ? Evaporé. La comptabilité ? Délocalisée. Et, en 2013 comme en 2023, des lignes de production rayées de la carte.

Lecta a imposé sa stratégie : miser sur le papier glassine, abandonnant le papier couché qui faisait la force du site. Mauvais pari : le glassine ne se vend pas au prix espéré. Pendant ce temps, la demande de papier couché, indispensable à l’imprimerie, explose. Mais pas question de contrarier les choix industriels, même absurdes. Les ministères, grands défenseurs autoproclamés de la souveraineté industrielle, ont validé cette transformation sans se soucier un instant que Condat était le dernier bastion français de cette production.

Ce qu’ils ont su faire en revanche, c’est ouvrir grand les caisses. Lecta, incapable de gérer une industrie, s’est révélée experte dans l’art de tendre la main. Main tendue à la Région Aquitaine ? Résultat : 19 millions d’euros de prêt, qui depuis le troisième trimestre de cette, d’après nos informations, n’est plus remboursé. Qui paie ? Pas Lecta. L’addition retombera sur les contribuables. Autre générosité aveugle des pouvoirs publics : 14 millions de l’Ademe pour une chaudière flambant neuve inaugurée en octobre dernier. Lecta n’est jamais rassasié. Avec cette chaudière, le groupe touche, tous les mois, un million d’euros d’aide à l’énergie. L’argent public coule à flot pour les patrons, pendant que les travailleurs, eux, comptent leurs jours de survie.

Dans ce théâtre de dupes, les politiques se succèdent avec le même discours larmoyant. François Bayrou a parlé de lucidité et de sacrifices nécessaires pour contrer le gonflement irrémédiable de la dette. Des mots qui sonnent creux. Car la réalité est simple : en vingt ans, les gouvernements successifs n’ont rien fait d’autre que signer des chèques, se féliciter devant les caméras et détourner les yeux quand des centaines de familles sombraient dans la précarité.

En 2023, 105 salariés de Condat ont déjà été sacrifiés. À peine 45 ont retrouvé un emploi stable. Les autres enchaînent CDD et chômage, dans une région où Périgueux et Brive sont à plus de quarante kilomètres. Ce n’est pas un nouvel eldorado industriel qui s’annonce : c’est un désert social. Quand l’usine s’asphyxie, c’est tout un territoire qui agonise : classes fermées, services publics disparus, villages qui s’éteignent dans l’indifférence générale.

Le 2 septembre, une table ronde doit se tenir. Une fois encore, les responsables politiques viendront serrer des mains, promettre leur soutien, puis repartir. Mais à Paris, les ministères font leurs cartons, Le sort de Sarlat, de Condat et de la Dordogne est placé dans une pile de dossiers « en attente d’un gouvernement ». Soyons clairs : ce qui se joue à Condat n’est pas un accident industriel, mais un pillage organisé. L’inaction des gouvernements successifs n’est pas de la négligence, mais une complicité active. Complices d’une destruction industrielle, responsables de vies brisées, coupables d’avoir laissé la logique financière dévorer un territoire entier.

Aujourd’hui, l’exaspération a cédé la place à la colère. Car à Condat, il ne s’agit plus seulement de sauver une usine. Il s’agit de sauver une région, une filière, et l’idée même qu’en France, l’industrie puisse encore avoir un avenir.